Les travaux de Spitz1, entre autres, ont montré l’existence chez l’être humain d’une soif de stimulus, laquelle, si elle n’est pas satisfaite, peut avoir des conséquences psychologiques et physiques graves comme le marasme, voire la mort (hospitalisme chez l’enfant). Berne, le fondateur de l’analyse transactionnelle, compare la soif (ou l’appétit) de stimulus à l’appétit de nourriture, les deux étant d’égale importance pour la survie de l’organisme2.
Sous l’effet des contraintes sociales, psychologiques et biologiques et au cours d’un processus appelé parfois sublimation, cette soif primaire de stimulus, comblée chez le nourrisson essentiellement par le contact physique avec la mère, va évoluer en une forme plus subtile et symbolique de besoin : la soif de reconnaissance3. Cette dernière se manifeste de façon propre à chacun, que ce soit en qualité ou en quantité. Professionnellement, tel artiste aura besoin d’être applaudi régulièrement par des milliers de personnes, alors que tel scientifique se contentera d’un prix non médiatisé une fois dans sa vie.
La soif de reconnaissance est comblée par des signes de reconnaissance, qui ne peuvent être délivrés que par un autre être humain (ou éventuellement par un animal).
Importance des signes de reconnaissance
Les signes de reconnaissance sont si essentiels au bien-être de l’être humain, voire à sa survie, que des troubles mentaux pouvant aller jusqu’à la psychose sont observés chez les adultes confrontés à la privation sensorielle, comme l’isolement dans les prisons, qui constitue d’ailleurs la forme de punition la plus sévère. Dans d’autres sociétés, la punition suprême est l’ostracisme, souvent synonyme de privation totale de signe de reconnaissance. A une moindre échelle, le placard dans les entreprises est considéré comme une forme particulièrement néfaste de harcèlement moral. Autre exemple, la bouderie qui est ressentie plus douloureusement qu’un flot de reproches.
Typologie des signes de reconnaissance
Un signe de reconnaissance est soit verbal (toute parole) soit non verbal (un sourire, un geste, un froncement de sourcil, etc.). Il peut être positif, c’est-à-dire qu’il est vécu comme agréable pour la personne qui le reçoit (indépendamment de l’intention de celui qui l’émet), ou bien négatif, c’est-à-dire que la personne qui le reçoit le ressent comme désagréable. Contrairement à ce que l’on pourrait penser de prime abord, on ne cherche pas à éviter à tout prix les signes de reconnaissance négatifs, il se peut même qu’on les recherche. En effet, tout signe de reconnaissance, même négatif, est préférable à l’absence de signes de reconnaissance (cf. ci-dessus). Par exemple, si des parents rentrent à la maison si préoccupés par leur travail que rien de ce que l’enfant fait ne les amène à lui procurer des signes de reconnaissance positifs, celui-ci peut rechercher une réprimande pour obtenir un signe de reconnaissance, même négatif.
Enfin, un signe de reconnaissance peut être conditionnel : il se réfère plutôt à ce que l’on fait, ou inconditionnel, se référant à ce que l’on est, quoique l’on fasse. Ainsi, si un supérieur se dit satisfait du travail de son employé quand celui-ci obtient des évaluations clients positives, on peut dire que sa satisfaction exprimée (signe de reconnaissance positif) est conditionnée par les évaluations clients. En revanche, s’il lui dit qu’il est très compétent, il lui adresse un signe de reconnaissance inconditionnel.
1. Hospitalism : Genesis of Psychiatric Conditions in early Childhood.
2. Des jeux et des hommes, p14.
3. Ce processus n’implique pas la disparition de la soif de stimulus proprement dite, qui continue à se manifester par la recherche de sensations induites par le
contact physique mais aussi des situations extrêmes comme le saut à l’élastique.